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Catenacciu
Le
vendredi saint, Sartène s'apprête à
commémorer l’anniversaire de la plus abominable
des exécutions : le chemin de croix de Jérusalem.
A 21 heures la vieille ville revit la passion du christ à
travers la procession du catenacciu. .
Nous sommes place Porta, à
Sartène, face à l'église Sainte-Marie,
qui figure en l'occurrence le lieu du prétoire de Pilate
où le Christ vient d'être jugé.
Les portes de l'édifice
sacré s'ouvrent à deux battants, et la procession
sort de l'église.
Le pénitent rouge (u catenacciu), les chaînes au
pied, porte une lourde croix et s'appête à faire
un parcours de 1,8km, figurant la montée du christ vers le
golgotha. Il est suivi par un homme en blanc (simon de
cyrène) et huit pénitents noirs
interprétant les juifs, quatre d'entre eux soutiennent un
dais noir sous lequel repose un Christ gisant recouvert d'un linceul blanc, (celui
qu'on a détaché de cette croix qui
écrase l'Homme rouge).
Tous accomplissent le chemin de croix pieds
nus. Ils sont
entourés par les membres de la confrerie du santisimo
sacremento qui forment une haie d'
honneur, et de la foule des fidèles qui chantent sans
interruption
le vieux chant italien corsisant de
pénitence: " Perdono, mio Dio ".
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Quel pécher
cet homme doit il se faire pardonner pour se charger ainsi de la grande
croix ?
Quel sentiment pousse
les pénitents noirs, cachés derrière
leur cagoule, à porter pieds nus, le corps sans vie du fils
de Dieu ?
Comme
le Christ, u catenacciu
doit chuter trois fois sur la route qui le mène au
"Golgotha".
La
première chute se fait devant l'oratoire Sainte-Anne,
l'église
paroissiale de Sartene
du XVIIIe siécle. Toute la ville récite le
" Notre Pere " et le " Je
vous salue Marie "pendant que le pénitent reste
couchè sur le sol. Sous le choc de ces impressions diverses,
une immense pitié vous étreint le cœur
et l'angoisse qui vous rend haletant creuse sur votre visage les
contractions profondes de l'horreur.
La
seconde chute s' effectue sur la place Porta, au pied de
l'église Sainte-Marie. A mi-parcours, le catenacciu est
soulagé de son fardeau par Simon de Cyrène, (le
pénitent blanc), celui qui a aidé le
Christ à porter sa
croix.
La croix pèse toujours 50 kg et la chaîne 15 kg.
Depuis 1955, celle-ci est attachée par un bracelet de cuir
aux pieds du pénitent au lieu de la cordelette qui lui
sciait les chairs.
Une
nouvelle halte a lieu à l'intérieur de
l'église Saint-Sébastien qui symbolise le
Golgotha.
U catenacciu s'y recueille et prie agenouillé devant
l'autel, au pied duquel se trouvent le Christ gisant et la statue de la
Vierge en deuil, pleurant son fils mort. Sarténe n'est
éclairée que par les flammes de chandelles qui
scintillent à toutes les fenêtres.
Après
la troisième et derniere chute, les pénitents
rejoignent le parvis de l'église paroissiale.
Puis tous regagnent l'église Sainte-Marie
pour s' y recueillir.
La foule recueillie
écoute le sermon, prie, chante le Perdono, mio Dio, perdono,
pietà, appel grave et lancinant qui est repris en
chœur par tous les Corses à la voix vibrante.
C'est alors seulement que u Catenacciu rentre dans l'église,
dépose la croix sur le maître-autel et se
recueille, entouré de tous les pénitents.
Agenouillés ou couchés devant le maitre-autel,
les pénitents devront
attendre que tous les
pélerins aient baisè un à un le Christ
gisant.
U
catenacciu est reconduit au couvent, et beaucoup plus tard, dans la
nuit, pour ne pas être reconnu, il regagnera son domicile,
son village, son maquis, ou sa prison ...
Mais l'on parle encore de ce Rocchini, dernier bandit à
avoir été condamné à mort
à Sartène en 1888, cueilli deux ans plus
tôt par les gendarmes, qui l'avaient laissé
accomplir sa procession rédemptrice. De nos jours,
l'anonymat est strictement respecté.
Cette tradition aurait été importée
d'Espagne par les occupants aragonais, fondateurs de la ville de
Sartène en 1419 la procession conduite par la
confrérie de la Sainte-Croix se déroulait jadis
le 14 septembre, jour où l'on honore
particulièrement la croix du Christ. Mais depuis une
centaine d'années, elle a eu lieu pendant la nuit du
vendredi saint, son caractère n'a pas
été altéré et
l'itinéraire à travers la ville est
demeuré le même.
Source : http://www.curagiu.com
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